Maths première secondaire

Jamais deux sans trois.

Dans les articles de réflexion, c’est aussi le cas.

J’utilise les cahiers d ‘apprentissage Point de mire de CEC pour mes jeunes du secondaire en maths. Ils sont remplis d’exercices variés et travaillent très fort sur la résolution de problèmes qui sont de plus en plus complexes. Mais pour mon fils dyspraxique, je trouvais le programme trop poussé. Pixel de ERPI est bien plus facile. J’ai donc décidé de lui faire utiliser Pixel plutôt que Point de mire.

Après près d’un an d’utilisation, sa première secondaire n’est pas encore terminée. Oui, il a de la difficulté en maths, mais ce n’est pas tout. Pixel, je me suis rendu compte avec le temps, travaille de façon plus manuelle la géométrie. Alors qu’avec Point de mire, les jeunes ne font presque pas de manipulation de compas, avec Pixel, près de la moitié du cahier nécessite le compas et autres outils de géométrie.

Le problème est que ses difficultés d’apprentissage sont reliées à sa dyspraxie. Donc il fait face ici à une situation très négative pour son estime de lui-même. Il n’arrive tout simplement pas à faire ses manipulations géométriques. Je ne changerai pas le programme à ce point-ci. Il termine cette semaine la géométrie et commence l’algèbre. Mais ma réflexion portera sur l’utilisation de Pixel en 2e secondaire. Je vais le feuilleter sérieusement sur ce sujet particulier.

Sinon, j’hésite à le faire essayer Point de mire. J’ai peur qu’il doive passer deux ans sur un seul cahier à cause du niveau de difficulté. J’avais l’intention de le faire passer aux cahiers du secteur des adultes à partir de sa 3e secondaire. Peut-être devrais-je lui faire utiliser ces cahiers dès la deuxième secondaire? En tout cas, j’ai au moins une certitude pour lui, il est hors de question de revenir au programme avec manuels. La découverte des cahiers d’apprentissages a été une révélation pour soutenir à travers la dyspraxie. Mais la suite???

L’exemple du brossage des dents

Pour faire suite à mon dernier article, Cet handicap autrefois invisible, je viens vous donner un exemple décortiqué d’une difficulté quotidienne: le brossage des dents.

Deux fois par jour minimum cette difficulté revient. Et à 14 ans, mon implication dans la tâche n’est pas encore de l’histoire ancienne.

Nous avons brossé ses dents bien au-delà de l’âge permis aux parents de le faire. Il faut bien viser l’autonomie, mais parfois il faut aussi choisir ses batailles.

Quelle tâche complexe le brossage des dents! Ça les parents d’enfants «normaux» le savent aussi. Tenir adéquatement la brosse à dents, faire le bon mouvement de haut en bas et de bas en haut comme dans Passe-Partout, faire les rangées de dents dans l’ordre: extérieur, dessus, intérieur. De la répétition, de la mémoire à court terme, de la dextérité. Tout ça s’acquiert avec de la pratique; en quelques années, le tour est joué.

La dyspraxie empêche la tâche de devenir automatique. Le geste que la main doit faire pour nettoyer de haut en bas et de bas en haut ne devient pas automatique. Déjà que le geste de haut en bas et le geste de bas en haut sont différents, totalement. Le poignet ne tourne pas dans le même sens. Déjà que le même mouvement de haut en bas pour les dents d’en avant et et les dents d’en arrière n’est pas identique. Le poignet n’est pas orienté dans le même sens. Déjà que de faire l’intérieur des dents demande un mouvement de miroir assez complexe à comprendre. Voilà décortiquée ainsi, la tâche vous paraît-elle plus énorme? Pas encore? Alors continuez la lecture.

Le cerveau d’un dyspraxique visuo-spatial, comme mon fils,  fonctionne de façon aléatoire lorsqu’il doit y avoir déplacement dans un espace. C’est à dire qu’au lieu de scanner un espace ligne par ligne, colonne par colonne, de façon organisée et logique, le dyspraxique effectue le déplacement dans tous les sens, sans ordre, repassant aux mêmes endroits plusieurs fois et laissant d’autres endroits complètement inexplorés. Transférons cette nouvelle connaissance dans la bouche lors du brossage des dents et le dyspraxique peut brosser certaines dents plusieurs fois et d’autres jamais. Et les dents qui seront brossées le plus souvent sont celles qui sont accessibles de façon confortable par le brosseur et non celles qui demandent une gymnastique particulière réfléchie d’avance. Certaines dents seront près du déchaussement alors que d’autres seront entartrées totalement. Non ce n’est pas tout. Continuez la lecture.

Lors d’un travail de statistique, théoriquement il y a autant de chance que le dé arrive sur le six que sur le trois. Et pourtant dans la pratique, sur 6 lancers certains chiffres sortiront deux-trois fois et d’autres aucunement. Alors pour montrer que le schéma théorique est vrai, on augmente l’échantillon de lancers et, plus on lance, plus on réussit à se rapprocher du schéma théorique. Comme les déplacements dans la bouche du dyspraxique sont aléatoires, théoriquement chaque recoin devrait être visité une fois. Mais comme dans la pratique, ce n’est pas le cas, augmenter le temps de brossage favorise que la main se rende presque partout au bout du brossage. Lorsque notre garçon est devenu trop grand pour que l’on brosse ses dents nous-mêmes (9-10 ans…), nous lui avons acheté un sablier d’une minute qu’il tourne une fois. La durée de son brossage est donc de deux minutes. Ce qui est long, bien plus long que la moyenne des brossages de la plupart des gens.  Très long, essayez-le. Mais avant de l’essayer, continuez votre lecture.

Tout ça est une recette, une accumulation de gestes et de stratégies statistiques pour réussir à faire un brossage autonome quasi-acceptable. Maintenant ajoutons à cette recette gestuelle le côté humain. Le côté que je n’ai pas devant moi un robot qui exécute mal, mais bien un enfant parfois mal dans sa peau de ne pas réussir et, un peu plus tard, un ado toujours aussi mal dans sa peau car ne pouvant partager ces difficultés au risque de se faire rire de lui. Le côté que j’ai aussi tout simplement un enfant entre les mains, un enfant qui n’exécute pas toujours exactement ce que l’on souhaite parce qu’il est un enfant. Un enfant dans la lune, un enfant qui oublie, un enfant qui joue, un enfant qui niaise, un ado qui tient tête, un ado qui veut décider pour lui-même, un ado qui s’oppose, un ado qui se néglige.

Brosser deux minutes c’est long finalement? L’avez-vous essayé? Alors pendant que maman ne regarde pas, je vais tourner le sablier plus vite que prévu, ça va finir plus vite. Alors pendant que maman ne regarde pas l’heure, je ne vais pas tourner le sablier, cela écourtera le temps. Pour lui, que nous imposions un sablier est une punition. pour nous c’est un outil pour vivre une réussite d’autonomie. Irréconciliable. Il va devoir apprendre à vivre avec ses difficultés et apprendre à accepter d’utiliser des outils facilitants. Mais pour ce faire, il devra surtout apprendre à piler sur son orgueil et accepter qu’il soit différent.

Pour notre situation personnelle, comme la dyspraxie vient souvent avec autre chose, les nombreux autres diagnostics viennent obligatoirement compliquer le portrait. De l’opposition, de l’impulsivité, de la fatigue par manque de sommeil, de l’énervement, de l’agressivité, du déni, de la dépression, de l’excitation, du stress… Ces émotions compliquent le quotidien de n’importe quel enfant, elles sont aussi présentes chez un enfant dyspraxique.

Cet handicap autrefois invisible

La dyspraxie n’est connue que de ceux  avec qui elle a un contact. Pour les autres, vous pouvez faire un tour ici avant de lire cet article.

On nomme cet handicap « invisible » parce qu’il est difficile de le déceler vraiment, surtout dans une classe où tous les élèves sont différents. On a plutôt tendance à trouver ces élèves paresseux. Il faut constamment répéter car «ce sont des anomalies de la planification et de l’automatisation des gestes volontaires». Alors pour ceux qui ne l’ont pas fait, vous pouvez aller en lire une définition ici.

Petit, elle se manifestait par ne pas être capable de manger une pomme en la croquant, ou un maïs sur épi. Ne pas être capable de faire des boucles de souliers ou de rouler à bicyclette. Ne pas pouvoir enfiler une ceinture dans les ganses ou attacher le bouton de son pantalon. Ne pas reconnaître les lettres de l’alphabet ou ne pas comprendre la valeur d’un nombre. Ne pas voir l’ensemble d’un dessin, la rectitude des lignes ou la justesse des proportions.

Les apprentissages scolaires étaient ralentis, parfois presqu’au neutre. La répétition était incessante et le progrès chagrinant. Mais on dirait que tant qu’il était petit, on arrivait à ne pas avoir d’attentes irréalistes. On pardonnait les maladresses, on excusait les manques, on palliait aux retards.

Puis l’enfant grandit.

À 14 ans, la dyspraxie se fait plus visible. Le fossé entre un jeune non dyspraxique et un jeune dyspraxique se creuse avec les années et l’entrée à l’adolescence.

La lenteur d’exécution de certaines tâches mathématiques simples est désespérante pour celui qui attend la réponse. Pour atteindre un niveau de complexité en mathématiques, il faut pouvoir accomplir certains calculs rapidement. Sinon se rendre au bout de la tâche complexe est d’une longueur endormante. Lorsqu’on enseigne à ses enfants, on a évidemment à donner des explications sur des problèmes de mathématiques. Lorsque les enfants sont petits, automatiquement on ralentit notre raisonnement pour que l’enfant assimile les explications. Mais lorsque le jeune a 14 ans et qu’on lui enseigne depuis plusieurs années les notions, on sait exactement ce qu’il doit savoir et on utilise ces notions vues pour expliquer les nouvelles notions. Or les notions vues n’ont pas été retenues. C’est comme s’il fallait recommencer les explications du début pour chaque notion nouvelle. Et chaque calcul doit être fait en s’arrêtant pour y réfléchir et même parfois en devant écrire le calcul pour l’effectuer, alors que normalement ces choses se font mentalement et rapidement puisqu’elles sont faites répétitivement depuis tant d’années. Mon langage corporel à corriger: retenir mes deux bras de tomber lorsque je dois recommencer les explications.

Le désordre des cahiers ou des notions dans les cahiers est étourdissant. Il faut répéter de trouer et classer les feuilles dans les bons duo-tangs. Ok on doit faire ça avec tous les enfants. On doit pouvoir relire les réponses dans les cahiers pour pouvoir étudier. Ici l’incapacité à se relire est un obstacle majeur à la réussite scolaire: travail malpropre, certains mots manquants, certaines lettres manquantes, une multitude de fautes d’orthographe , des explications sans queue ni tête, complètement illogiquement exprimées. «Pourtant quand maman expliquait je comprenais, mais là je n’arrive pas à le formuler adéquatement, je n’arrive pas à rechercher l’information dans ma tête, tout est un fouillis dans ma tête. Qu’est-ce qui est important? Quelle information discarter?»

L’incapacité à reproduire une tâche faite à plusieurs reprises auparavant devient un frein à l’autonomie. Il cuisine avec son père depuis quelques années. Il aime la cuisine, il est même possible qu’il veuille en faire un métier. Mais lorsque pour la 15e fois, il doit préparer un riz et que cette fois-ci il doit le faire seul, oups! On met de l’eau dans un chaudron, comme pour les pâtes alimentaires, c’est-à-dire sans calculer la quantité et, lorsqu’à ébullition, on met le riz. Quand le riz sera prêt déjà? Normalement lorsqu’il aura absorbé tout le liquide… On y sera encore demain matin, il a rempli le chaudron d’eau jusqu’au bord. Enlevons de l’eau, enlevons encore de l’eau, non encore, il y en a beaucoup trop. ok maintenant ça devrait s’absorber.  On peut régler ça en suivant les recettes. «Non non je m’en rappelle pas besoin de recettes»…

L’oubli du geste fait deux minutes auparavant est désarçonnant. «Ai-je mis deux ou trois tours de moulin de sel dans la recette? J’ai dû en mettre deux, alors j’en mets deux autres. En ai-je ajouté un ou deux autres? Je crois que j’en ai ajouté juste un, il m’en faut un autre. Wouh c’est salé ça, wouah impossible de manger ça». «Maman je peux descendre mon bac de lavage, il me reste juste deux bobettes propres?» Deux jours plus tard: «Maman, je peux descendre mon bac de lavage, j’ai oublié et là je mets ma dernière bobette propre.» Le lendemain: «Maman je dois ABSOLUMENT descendre mon bac de lavage, je n’ai plus de bobettes propres à mettre.» «Hier j’aurais pu le faire chéri, mais aujourd’hui on sort toute la journée, je n’aurai pas deux minutes pour le faire»… Note à moi-même: Arrêter au magasin acheter un paquet de bobettes propres pour sauver les prochains jours.

La maladresse est devenue destructrice. Un petit de 3 ans qui trébuche sur un jouet se fait mal. Un grand de 14 ans qui trébuche sur un jouet le casse. Et lorsqu’un tout-petit de deux ans a des jouets, ils sont généralement éparpillés sur le plancher. Ça coûte cher un enfant dyspraxique qui se déplace à la maison en permanence puisqu’il ne va pas à l’école et qui a une petite soeur et un petit frère encore aux âges des jouets qui traînent. Ça casse des millions de choses. Ce n’est qu’un petit détail, c’est anodin, mais c’est ça.

De l’eau dans la cave des pantalons, des orteils recroquevillés au bout des souliers, des manches qui remontent au coude lorsqu’on lève le bras… Il ne se rend jamais compte que la paire de bottes, le gros chandail ou les jeans sont trop petits. Les fermetures éclairs lâchent, les souliers défoncent, il est impossible de passer ses vêtements à ses frères plus jeunes. Lorsqu’on retire les morceaux trop petits des tiroirs, il est déjà trop tard. Non dites-vous que ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’il porte des vêtements deux tailles en-dessous. Il ne s’en rend pas compte. L’autre jour, nous sortions pour une activité d’école maison. 5 chandails style coton ouaté il a passé avant d’en trouver un qui était d’une grandeur acceptable. «Mets les autres sur mon lit, que je les garde pour ton frère» Une semaine plus tard, je dois encore lui dire d’enlever son chandail et de le mettre sur mon lit, il avait oublié la dernière fois. Il me dit: « Ha c’est pour ça qu’il trainait sur mon lit au lieu d’être dans mon tiroir».

Les chemins sont comme un gros noeud dans sa tête. Il lui serait impossible de retrouver son chemin s’il se perdait. Les distances ne sont pas évaluées adéquatement. Comme la notion de valeur du nombre n’est toujours pas acquise, il ne se représente pas dans sa tête 12 ou 35 kilomètres. Il ne voit pas que si on prend à gauche puis à gauche ou à droite puis à droite puis à droite, on se rendra au même point. Il ne conçoit pas qu’on ne peut passer par là ramasser ça pour aller chez telle personne, ce sont deux directions opposées, mais DIAMÉTRALEMNT opposées. Et à 14 ans, ça veut avoir raison, ça veut le dernier mot, ça ne veut pas perdre la face, alors ça tient son bout coûte que coûte, quitte à s’enfoncer dans un ridicule qui heureusement ne tue pas.

Et on pourrait continuer, les exemples se bousculent aux portes tous les jours. Vivre avec un dyspraxique est épuisant.

Je sais, ça ne doit pas être facile d’être lui parfois. ÊTRE dyspraxique est épuisant. Pour fonctionner comme les autres, il doit toujours être à l’affût. Il doit tout se répéter dans sa tête. Et à 14 ans, maintenant cet handicap n’est plus invisible, ni pour les autres, mais surtout ni pour lui. Il se rend compte de ses incapacités, de ses lenteurs. Lorsqu’on veut faire sa place dans le monde, mais que sa place doit être adaptée, lorsqu’on est ado et qu’on veut se fondre, mais qu’on détonne, lorsqu’on veut être normal et qu’on y arrive pas, il se peut qu’on soit parfois malheureux.

Une chance, une grandiose chance, la dyspraxie ce n’est pas tout, elle n’est qu’une partie de toi. Et tu finiras par la dompter à défaut de la faire disparaître. J’ai confiance en tes capacités, même si je dois souvent me parler pour retenir mes bras de tomber. Tu es fort!

Maths 1re secondaire – 3e enfant

Ça y est. Nous sommes rendus là. Yann termine d’ici quelques cours sa 6e année de mathématiques. C’est sa dernière matière qui traîne au primaire. Les maths… mystère terrible pour lui. Qu’est-ce qu’un chiffre, quelle valeur prend-t-il?

Malgré tout, il finit sa 6e année avec assez de facilité. Mais les erreurs qu’il fait encore sont très démonstratives du fait qu’il ne peut pas vérifier si la réponse qu’il a trouvée a de l’allure dans le problème posé, si la réponse tient dans une échelle proportionnelle adéquate pour ce problème.

Cette semaine encore, il devait faire de l’associativité pour additionner mentalement plus facilement: 12 + 22 + 58 + 88 =  L’exercice demandait à ce qu’on associe 12 et 88 pour faire 100 et ainsi additionner le tout facilement. Mais il a associé 22 et 88 pour faire 110. Et il y avait deux pages complètes de ce genre d’association, il n’en a réussi aucune.  Son cerveau n’arrive pas à VOIR les chiffres. Il a 14 ans quand même.

Je suis un peu au bord de la panique, j’ai peur de ce pas à faire. Le SECONDAIRE en maths avec lui. Je l’ai fait ce pas avec les deux autres et on avance bien. Alors bon, on y va bien sûr. On ne restera pas là à regarder l’autre rive sans jamais traverser le pont.

En même temps, nous avons réussi! Il est passé au travers. Une autre étape de franchie. Et c’est vraiment le dernier pied du primaire qu’il lève pour aller en avant. C’est réjouissant. Quel travail accompli!

Nous utiliserons Pixel de ERPI. L’ayant essayé avec Mathis pour qui c’était vraiment d’un facile incroyable, Yann devrait réussir à avancer avec ce cahier.  De plus avec les vidéos explicatifs disponibles, peut-être cela permettra de garder ma patience s’il ne comprend pas une notion.

Une histoire à suivre…

Géographie 1re secondaire pour dyspraxique

Voilà un bon défi cette année pour Yann-Salomon. Il doit commencer le programme de géographie de 1re secondaire. J’ai décidé de lui donner 2 ans pour compléter le programme de chaque année du cycle. Je ne sais pas si c’est une bonne solution. Il y a tant d’incertitude lorsque l’on bâtit un programme sur mesure pour un enfant en difficulté d’apprentissage. Mais je sais que chaque notion facile pour moi qui adore la géographie est une montagne inégalable pour lui et ses manques liés à la dyspraxie. Je lui donne donc la possibilité de relire deux fois plutôt qu’une les textes, je lui donne assez de temps pour bien comprendre les questions et faire les recherches nécessaires à sa vitesse et ainsi réussir malgré sa lenteur. Il prendra donc 4 ans pour terminer le programme du premier cycle. Mais comme plusieurs de ses matières sont retardées, je ne crois pas que cela causera un déséquilibre.

Il aura 2 périodes d’une heure de géographie par semaine. J’utiliserai le cahier Parallèles des éditions Chenelière éducation. J’ai fait la séparation du cahier à raison de quelques pages par semaine. Il fera les notions de base, le dossier 1 sur la métropole et le dossier 2 sur les villes à risques naturels. J’ai ajouté quelques pages outils ainsi que des périodes d’étude et deux évaluations.

J’espère qu’il réussira à tenir le rythme. Pour les sujets de cette année, ce sont deux sujets qui l’intéresseront. Et comme c’est enfin de la 1re secondaire, je crois qu’il sera motivé.

Français 6e ou 1re secondaire

Nous avons travaillé fort. Je dis nous car je crois bien avoir ramé aussi fort que lui. Mais ça a valu la peine, il me semble vraiment avoir progressé.  Yann est dyspraxique et bien qu’en vieillissant l’écart se creuse entre ses capacités académiques et celles des autres de son âge, ce dernier semestre, il y a eu des pas et même peut-être des bonds en avant.

Voici les points qui ont permis cette réussite:

– Il a fait beaucoup de grammaire, beaucoup. Je voulais ancrer les notions de classes de mots, d’accords, de conjugaison, de construction de phrases. Et pour un dyspraxique, l’automatisation ne s’acquiert pas facilement. Il faut répéter beaucoup plus qu’à un enfant normal. Alors j’ai répété, parfois en reprenant les règles de première base, les règles apprises au premier cycle. Parfois oui j’étais découragée: recommencer au début plusieurs fois de suite,c’est décourageant. Mais petit à petit, j’ai vu que lorsque je réexpliquais, de petites lumières de mémoire s’allumaient: il se rappelait avoir vu la matière. Puis petit à petit, lorsque je réexpliquais, il était capable de réactiver les connaissances. Je ne suis pas sûre que vous pouvez imaginer l’exploit que cette réactivation porte en elle. C’est à sabrer le champagne!

– Il n’a pas vraiment écrit de textes. De petites situations d’écriture très courtes lors du projets des Olympiques, mais sinon rien. Comment lui demander de faire du sens en écriture si la construction de phrases n’est pas acquise? Donc pas de perte de temps sur l’écriture de phrases qui n’ont aucun sens… pour l’instant.

– Il a travaillé les stratégies de lecture. Il est bon en compréhension de textes, alors ce n’était pas la pratique à faire. Il devait plutôt apprendre les stratégies qui construisent le texte: les mots de relation, le plan, les référents, les inférences… Tout ce qui permet de construire brique par brique un texte qui se tient, dont les idées sont en ordre et la syntaxe compréhensible. Cette partie-là ne fut pas trop difficile à travailler, il adore lire et a assez de logique pour bien trouver les réponses.

– J’ai imposé une méthode de travail qu’il n’a pas aimée, car extrêmement contraignante, mais qui lui a permis d’avancer sans reculer. Lorsqu’il travaillait dans son cahier de grammaire, il devait lire l’encadré théorique et venir m’expliquer la matière à travailler dans ses propres mots. Puis il lisait la consigne et devait me dire dans ses mots ce qu’il devait accomplir. Enfin il pouvait se mettre à la tâche. En le suivant pas à pas comme ça, je l’obligeais à bien comprendre la consigne et ainsi l’appliquer adéquatement. Avant il faisait le plus de pages possibles le plus vite possible (les enfants dyspraxiques sont de grands bâcleurs) car Yann n’accepte pas d’être en trouble d’apprentissage. Lorsque je corrigeais, 80% de la matière était erronée. Et comme mes enfants doivent corriger leurs erreurs car je crois que c’est ainsi que l’on apprend le plus, il passait énormément de temps à reprendre ses exercices et même souvent les reprendre 3 ou 4 fois avant de réussir (malgré mes explications de plus en plus développées à chaque reprise) Lorsque j’ai enfin pu lui montrer clairement la différence de réussite entre avant et la nouvelle méthode de travail imposée, il ne pouvait qu’abdiquer qu’effectivement, c’était très efficace et positif. Ensuite cette méthode est entrée confortablement dans note routine et, à part certains matins de pré-adolescence, Yann réussit vraiment mieux ses exercices de grammaire.

Malgré tous ces efforts, je ne suis pas encore certaine qu’il puisse aller en 1re secondaire en septembre en français. Je ne sais pas s’il est assez solide pour affronter les nouvelles notions et l’approfondissement des anciennes. La marche entre le primaire et le secondaire est présente dans toutes les matières, et le français n’y échappe pas. J’hésite entre continuer le travail acharné de 6e jusqu’en décembre et commencer la matière de 1re secondaire en janvier ou le passer tout de suite en 1re secondaire, quitte à le faire travailler plus longtemps son année s’il présente des difficultés.

Présentement, il fait un test diagnostique qui vérifie si la grammaire du primaire est acquise et à quel degré. Ce test est assez long, une 20taine de pages et couvre toutes les sphères de la grammaire du primaire.  Je l’ai pris dans les fiches reproductibles du cahier de grammaire de 1re secondaire L’Express grammatical des éditions ERPI. Il devrait être terminé demain. Après correction, je pourrai observer où sont ses erreurs, combien il y en a et ainsi prendre une meilleure décision. Sincèrement j’espère qu’il passera au secondaire. Je crois que ce petit boost lui fera du bien sur l’estime, lorsque l’on travaille fort on récolte du succès. Mais j’ai assez confiance que ce se fera.

Une fois ma décision prise, je viendrai vous parler de son programme pour septembre. J’ai trouvé plusieurs outils avec lesquels j’ai bien hâte de travailler, s’il passe au secondaire. Des nouveaux outils, assez fraîchement imprimés pour la plupart et variés. Des outils bien loin du programme Laissez-Passer que Lucie-Maud a utilisé et que nous avons aimé, mais qui compliquerait trop la vie de Yann. Un manuel avec des questions à répondre dans un cahier Canada (ou sur des feuilles mobiles), et ainsi beaucoup de réécriture. Des projets d’écriture longs et importants. Trop pour lui. Je dois bien feuilleter les différents cahiers trouvés et savoir comment les marier efficacement et les exploiter pleinement. À plus donc!

Imaginez en classe

Un jour que j’étais «à boutte», j’ai malheureusement crié que je les renverrais tous à l’école…Soupir…Ça m’arrive une fois par année je dirais… Puis je me suis calmée et j’ai parlé, entre autres, avec Mathis-Alexis pour savoir ce qui le faisait se désorganiser et ce qui l’aiderait à mieux se concentrer. Il faut que je remette en contexte que Mathis a un déficit d’attention avec hyperactivité assez important et qu’il est Tourette (tics, colère et impulsivité).

Il m’a répondu que lorsqu’il se bouchait les oreilles pour lire, il arrivait mieux à se concentrer. Mais comme il ne peut écrire en se bouchant les oreilles, je lui ai demandé s’il aimerait avoir des cache-oreilles pour atténuer le bruit. Il m’a dit que ce serait vraiment une bonne idée. Je les ai commandés sur le champ. Une idée constructive comme ça, qui vient de lui en plus, je crois que ça vaut vraiment la peine d’essayer. Et à moins de 20$, on ne peut pas laisser tomber.

Casque anti-bruit

Aussitôt reçus jeudi, il les a essayés, et effectivement il a semblé mieux se concentrer. Bon je n’ai pas corrigé son travail encore…Et il ne les a portés que pour un après-midi. Mais pour l’instant cela reste une idée positive pour améliorer une situation. Je ne suis pas assez naïve pour croire que ça réglera complètement le problème.

Ce matin, il a par lui-même remis ses coquilles anti-bruit pour son école. Positif je vous dis.

Combien de temps cela nous aidera? Je vous en redonne des nouvelles.

Les troubles d’apprentissage de mon fils

J’ai mal compris les troubles d’apprentissage.

Comme j’avais mal compris à l’époque le trouble de l’attachement. Je croyais que si je donnais suffisamment d’amour à mes deux plus vieux, ils finiraient par se sortir de ce trouble épouvantable qui les prive d’une relation saine et nécessaire avec nous leurs parents. J’ai un jour compris, avec la plus grande peine, qu’ils vivraient toujours au centre d’un tumulte dans lequel ils sont inaccessibles. Et que je n’y pouvais rien de plus qu’une présence stable dans leur vie.

Avec les années de travail acharné avec Yann-Salomon, et le peu de résultat durable, je me rends compte que je voulais «guérir» ses difficultés scolaires pour qu’enfin il puisse avancer et faire comme les autres. Je l’avoue aujourd’hui, je me suis plantée, et j’ai eu des attentes irréalistes envers lui. Je voulais qu’il finisse par passer par-dessus ses difficultés.

Mais non, il est pogné avec pour toujours. C’est neurologique . Son comportement et ses capacités sont influencés par une question de biologie. Comprendre cela met beaucoup en perspective. Plus il grandit et plus l’écart entre ses capacités et celles des autres augmente. Comme il avance très lentement, chaque année qui passe creuse un fossé exponentiel entre les jeunes de son âge et lui. Il ne l’accepte pas…et je me rends compte que moi non plus.

Comme si le fait qu’il échoue encore faisait de moi une mauvaise enseignante. Est-ce qu’enseigner est guérir? Suis-je un médecin pour trouver le remède miracle et faire de lui un être «normal» exempt d’incapacités? On guérit le trouble et ensuite on passe à autre chose? Non. Ses difficultés scolaires, comportementales et relationnelles seront toujours là. Il va devoir apprendre à faire avec…et moi aussi.

Il a 12 ans. Il a eu 12 ans le 18 septembre. Selon le régime pédagogique, il devrait être en secondaire 1 cette année. Un très jeune secondaire 1. Alors pour lui donner une chance, je l’ai placé en 6e année. En fait depuis le début, je lui ai fait suivre le programme d’un an plus jeune, ou de quelques jours plus jeune selon comment on le voit (s’il était né le 1er octobre et plus tard, il serait en 6e année). Ses maths n’ont pas suivi: il est en fin de 4e année en maths. Et là le français ne suit plus. Ses cahiers de 6e année représentent un défi trop important pour lui. Il peine à suivre les sciences familiales ( nous en sommes à la 6e année) Et il suit de loin l’anglais de groupe (niveau secondaire 1), réussissant à faire ce qui est demandé mais beaucoup plus lentement que les autres et sans rétention réelle.

D’ailleurs son problème principal reste la rétention. La dyspraxie l’empêche de créer des automatismes qui lui permettraient d’avancer plus vite, de récupérer rapidement et efficacement les connaissances antérieures afin de bâtir sur celles-ci les nouvelles connaissances. À chaque nouvelle période, il doit tout revoir les anciennes connaissances, toutes depuis le début de sa scolarisation. Il va sans dire qu’additionner de nouvelles connaissances est à faire au compte-gouttes.

Mais pensez-y un peu… L’analyse des situations et le jugement de celles-ci afin d’établir une réponse sensée et rapide repose sur les connaissances acquises au fil du temps, sur l’expérience vécue et retenue. Un adulte a un meilleur jugement qu’un enfant et réagit plus promptement (Ok la plupart des adultes 😉 Mais si les connaissances ne s’installent pas, que le temps de réaction est très lent et que le comportement est malgré tout motorisé par une impulsivité énorme due au syndrome de Tourette…Vous voyez la catastrophe? Alors plus il vieillit, plus les connaissances devraient être nombreuses et plus il devrait les utiliser pour trouver la réaction adéquate aux différentes situations vécues. On se rend compte de plus en plus donc de l’écart dans les réalisations académiques et dans le jugement de situation qu’il y a avec des enfants de son âge.

L’école à la maison est ainsi toute désignée. Nous allons à son rythme et aucune intimidation n’est possible. Mais cette année nous avons vu les limites de tout ça. La première est qu’il voudrait bien suivre un programme de sports-études à l’école. Il souhaitait possiblement entrer au secondaire dans un tel programme, donc à l’automne prochain. Mais il aura plus de deux ans de retard, et devrait fréquenter une classe de cheminement particulier…pas de sport-études. La seconde limite est pour moi de faire la différence entre ne pas faire d’effort et ne pas en être capable. Il est facile de tout mettre la faute sur le dos de la dyspraxie et excuser toutes ses difficultés, comme il est aussi facile de mettre toute la faute sur le dos de la paresse et avoir des attentes inatteignables. Il est préado, il est Tourette (troubles de comportements inhérents), il n’est pas seul devant moi pour son école, et il doit fournir plus d’efforts qu’un autre pour le même résultat. Comment savoir s’il ne sait pas parce qu’il se bute comme tout préado «bucké» ou s’il ne sait vraiment pas?

Voilà beaucoup de questionnements pour terminer cette année, beaucoup de réflexions quant à son avenir académique. Pour la première fois cette semaine j’ai douté de ses possibilités à réussir son secondaire 5 un jour. Il ne guérira pas de ses handicaps, et le traitement de plus en plus complexe des nouvelles connaissances lui ralentiront le rythme d’autant plus. Comment sa motivation pourra-t-elle se maintenir? À suivre…