Une saga toute en émotions

Depuis près de trois ans que mon fils souhaite faire un DEP en Technique d’usinage. Ce programme se donne entre autre près de chez nous. Les critères d’admission mentionnaient que l’admission pouvait avoir lieu si l’étudiant avait obtenu ses unités de 4e secondaire en Maths, Français et Anglais ou l’équivalent.

J’avais envoyé un dossier complet à la dame de l’admission, plaidant l’équivalence grâce à l’évaluation par détenteur de brevet de son année de 4e secondaire reconnue par la DEM (Direction de l’enseignement à domicile). Mais quelle ne fut pas ma surprise de constater que ce qu’eux désignaient comme équivalence était en fait une équivalence officielle donnée par des examens formels ou un bulletin, pas d’avoir fait l’ÉQUIVALENT de ce qui se fait à l’école , mais à la maison.

A alors commencé toute une suite d’événements, de demandes de part et d’autre pour obtenir justice. Mathis a fait toute sa scolarité à la maison, mais il n’a jamais chômé. Bien que dans la dernière année, il ait un peu laissé tomber l’histoire (par manque d’intérêt dans le cahier, mais il a continué à s’informer par les médias et la TV) et les sciences (mais il avait déjà terminé son cahier de 4e secondaire), il a continué à travailler dans les trois matières de base exigées pour le DEP. En français, il a travaillé dans ses cahiers conformes que je lui ai fournis; en anglais, il a travaillé aux projets que je donnais au groupe des ados (simplement une dyade dans la dernière année); et en maths, il a travaillé avec un tuteur (enseignant de maths de sec 4 à l’école de jour) pour un groupe de 3 étudiants en maths SN (maths fortes) à raison d’une rencontre de 2 heures par semaine et des devoirs entre chaque rencontre.

Dans le dossier présenté à l’admission, j’ai aussi mis que Mathis avait participé à la journée Élève d’un jour en Technique d’usinage à l’automne l’an dernier et qu’il avait eu des éloges de la part de l’enseignant titulaire. Malheureusement, ils voulaient des preuves officielles, pas des équivalences officieuses.

Comme il a eu son 16 ans en mai, il était maintenant éligible à l’école aux adultes. On retrouve à l’école aux adultes, un test en anglais, le Prior Learning Examination, qui en même temps sert de test de classement et de test sanctionnant. Un étudiant qui réussit ce test obtient toutes ses unités pour le diplôme d’études secondaires en anglais langue seconde. J’ai donc inscrit Mathis pour ce test qu’il a bien réussi. Ce test lui donne donc les unités de 4e et 5e secondaire en anglais langue seconde, alors que Mathis venait de finir sa 4e secondaire et n’avait fait aucun cours de 5e secondaire. Chapeau! Un cours de base acquis.

En maths, tout au long de l’année avec son tuteur, mon fils a fait des examens de chapitre et en fin d’année, il a aussi passé un examen synthèse (un examen du ministère d’une année précédente). Son enseignant lui a fait faire le même parcours qu’à un étudiant d’école. J’ai demandé à son tuteur de fournir une lettre de référence pour Mathis attestant de cette année de travail et de réussite. Ce ne fut pas accepté par l’admission. Plaidant que les étudiants de cette année à l’école régulière n’avaient pas passé d’examen du ministère plus que Mathis à cause de la pandémie, je me suis fait répondre que les autres étudiants avaient au moins eu des notes en cours d’année sur lesquelles se baser pour établir la passation. J’ai donc demandé à son enseignant de créer un simili-bulletin à mon fils, de la même façon et avec la même pondération que pour ses étudiants en classe, avec les résultats des examens de chapitre et de l’examen synthèse faits durant l’année. À la réception de ce bulletin, ils ont réclamé les examens en preuve pour étudier le dossier. Nous leur avons fourni les examens, et après survol des ces évaluations, ils ont décidé d’octroyer à Mathis ses unités au bulletin pour les Maths SN de 4e secondaire. Deux cours de base acquis.

Il ne reste que le français pour lequel je n’ai aucune preuve suffisante (examens officiels) à faire valoir. Je n’ai que l’évaluation sommaire faite par une enseignante détentrice de brevet telle qu’exigée par la DEM comme bilan de fin d’année en école maison. Nous irons donc à l’éducation aux adultes chercher ces unités manquantes. Pour une 4e secondaire, 4 cours sont requis au diplôme au secteur adulte. Un total de 6 examens, si ma mémoire est bonne. Avec une préparation pour chacun. OUF! Ce pourrait être assez long: 4, 6, 8 semaines.

Mais c’était sans compter l’acceptation de ma dernière demande en date: Accueillir Mathis sur les bancs d’école en DEP de Technique d’usinage EN MÊME TEMPS QUE d’aller chercher ses unités de français de 4e secondaire.

Aujourd’hui, 2 octobre, après plus de 4 mois de démarches, nous avons enfin l’aval pour qu’il commence ses cours dès que ses notes de maths et d’anglais seront inscrites au bulletin par le ministère. Une chance, ici, il y a des entrées en Technique d’usinage chaque lundi. Une chance, nous avions déjà acheté ses vêtements de travail, il était prêt à entrer. Il restait une carte à jouer dans le dossier, un mot de sa psychiatre plaidant la nécessité pour Mathis d’entrer dans son programme rapidement pour soutenir sa santé mentale. Mais je n’en aurai pas eu besoin. Tant mieux.

Beaucoup de fermeture face à l’école maison, beaucoup de doutes sur notre sérieux dans notre aventure, tout ça causant bien de la frustration au cours des démarches, mais finalement une belle réussite. J’espère que peu à peu les gens verront que, bien qu’en école maison, notre objectif est que notre enfant puisse suivre le chemin qu’il souhaite pour son avenir et que donc nous favorisons la stimulation par les apprentissages. Que l’école maison n’est pas un temps d’inaction pour créer des ignorants et des incapables. Quel parent ferait subir ça à son enfant? L’école maison n’est qu’un chemin différent pour entrer dans la vie adulte, pas un chemin moins praticable, un chemin moins fréquenté, peu connu, mais qui mène aux mêmes possibilités.

Il est juste triste qu’on doive se battre, mettre beaucoup d’énergie, afin que le travail de notre enfant soit reconnu. À quand des portes ouvertes hors case pour permettre la diplomation, la reconnaissance des acquis? À quand une accessibilité aux cours en ligne gratuits avant 16 ans?

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