On lit beaucoup de messages présentement qui montrent que les parents qui se lancent dans l’aventure sont stressés, ne savent pas trop comment commencer, comment organiser leur année, comment planifier. Je crois que si je n’avais qu’un seul message à vous faire, je vous dirais que l’essence même de l’école maison est de permettre une adaptation à toute épreuve.
En février, je commençais ma 16e année d’école maison. Si vous m’aviez demandé à ce moment-là de quoi aurait l’air ma rentrée de septembre, je vous aurais répondu qu’elle serait calme avec ma fille qui finit son DES aux adultes et dont je n’ai plus besoin de vraiment m’occuper (école maison parlant bien sûr), mes deux fils en mi-secondaire, ma 2e fille en 4e année et mon petit à occuper. Point.
Puis à la fin de ce même mois de février, une première bascule arrivait. Une petite crevette surprise s’ajouterait à notre famille au début septembre. Événement inattendu, impossible, déstabilisant, transformant l’avenir des prochaines années qui commençait à se dessiner dans notre quotidien. Un bébé est TOUJOURS un cadeau inestimable de la vie. Mais, je vous le répète, à 44 ans, cela laisse des traces importantes. Mon printemps fut ralenti par une grande fatigue reliée à la grossesse. Plusieurs activités de groupe ont été annulées, et même l’école régulière de mes enfants a été moins efficace que d’habitude. Résultat: nous avons pris un retard sur l’année, et les gars ont dû faire un peu de maths cet été. Au secondaire, il est plus difficile de faire fi de cette progression.
Alors que l’été battait son plein, je faisais ma planification de l’année. Chaque matière pour chaque enfant, les activités de groupe qui commenceront plus tard mais qu’il faut prévoir tout de même. L’accouchement étant prévu pour le début septembre, j’ai pensé commencer l’année deux semaines plus tôt en août pour prendre de l’avance, établir une routine, se «remettre dedans» avant l’arrivée de crevette. Maman était réservée pour prendre soin des enfants pendant mon séjour de quelques jours à l’hôpital pour l’accouchement. Ce n’était pas la première fois que ma rentrée scolaire s’annonçait avec un accouchement: il y a 4 ans, Elliot naissait pratiquement à la même date. Alors on s’organisait tranquillement à revivre ça mais de façon toujours assez calme.
Puis mi-août arriva et Papa se mit à aller moins bien. Atteint du cancer, nous vivions en sursis agréablement accueilli depuis 3 ans et demi. Maman ne pourrait pas venir passer ces jours à la maison lors de l’accouchement, elle devrait s’occuper de papa. Puis il est entré d’urgence à l’hôpital lundi dernier. Deuxième bascule: visites à l’hôpital, gestion des émotions et réorganisation de la rentrée bousculaient notre début d’année.
La beauté de l’école maison est de pouvoir vivre ces moments importants à fond. La vie ne passe qu’une fois et il faut la savourer pleinement. Les enfants passent dans notre vie à une vitesse folle. Tout peut se réorganiser autour de la vie et de ses surprises. Rarement une contrainte ne nous empêchera de prendre le temps de vivre un moment important.
Nous avons commencé notre école maison lundi. Nous y avons mélangé rv de suivi de fin de grossesse et visite à Papa à l’hôpital. Et notre semaine s’est déroulée un peu cahoteuse mais atteignant tout de même les objectifs fixés. Nous avons pu gérer au quotidien les émotions débordantes. Nous avons pu donner une dernière touche à la nouvelle chambre de ma fille au sous-sol, permettant le déménagement en fin de semaine. Nous avons pu naviguer dans nos nouveaux cahiers et nos nouveaux apprentissages malgré ma planification encore un peu incomplète.
D’ici deux, gros max trois semaines, crevette se montrera le bout du nez. Cela nous obligera à arrêter complètement l’école pour juste vivre et se reprendre en mains. Et nous le ferons tout en prenant aussi du temps pour profiter de Grand-Papa le plus possible. Que serait notre vie sans ces moments importants? Que resterait-il de notre quotidien sans le temps consacré à gérer ces moments charnières? Une suite monotone d’autobus scolaire, de journées trop vite passées et de vie oubliée.
Il est normal, parfaitement normal d’être stressée la première année de l’aventure de l’école maison. Sortir de l’institution pour entrer dans la vraie vie est une épreuve pour le parent moyen habitué de régler son quotidien sur un cadre bien défini. Mais lorsque vous constaterez que l’école maison s’adapte à TOUT ce que vous pourrez vivre, vous vous sentirez mieux et capable de faire face à n’importe quoi. On peut essayer de tout prévoir pour l’année scolaire et les années à venir; mais la vie est coquine, elle aime venir glisser de l’impromptu dans cette soupe. Cela ajoute du piquant qu’il est possible de digérer que si on peut en prendre le temps.
Je ne crois pas que mon choix de vie soit supérieur à celui des autres familles, que l’école maison soit une route mieux bâtie que l’école régulière. Je crois que l’on arrive au bout de notre chemin avec notre bagage constuit au gré des événements rencontrés, des décisions prises. Mais je crois qu’un avantage de l’école maison est de permettre de tout prévoir puis de tout REprévoir quand la première prédiction s’est plantée. Cette adaptation sans limite a été très importante dans ma vie cicatrisée.
Et je crois que ce que vous pouvez prévoir sans aucun doute en suivant l’aventure de l’école maison est de pouvoir toujours prendre le temps de vivre la vie telle qu’elle est, sans se presser de mettre certaines choses derrière pour suivre un rythme effréné. Chaque moment prend alors tout son sens.
Bonne rentrée!