Oui ça peut paraître arrogant de publier un article sur ma fille qui mange des maths ou mon gars qui finira ses sciences de secondaire quelques années plus vite que son âge. Mais ce ne l’est pas. Ce n’est qu’une réalité avec laquelle je dois vivre, qui demande de l’adaptation, de la réflexion, des décisions parfois complexes. Ce sont des articles écrits directement en lien avec l’école maison, et la réalité qu’elle permet à des enfants doués. Mais ce n’est pas ma VIE avec ces enfants.
Ces deux enfants sont plus vieux, je ne dévoilerai pas sur la place publique les difficultés personnelles qui les démangent, ils ne me le pardonneraient pas. Mais je peux faire le parallèle avec mon tout-petit. Il a trois ans et 4 mois. Et il est diablement en avance.
Ses dessins sont exagérément avancés pour son âge, avec tellement de détails pertinents, enrobés souvent de toute une histoire racontée par ses petits mots d’enfants, ses phrases compexes et sa mémoire phénoménale. Il écrit son prénom et reconnaît plusieurs lettres de l’alphabet. Il écrit beaucoup. Il compte et surtout il dénombre jusqu’à loin, et même en anglais, un peu moins loin. Il comprend de mieux en mieux l’anglais bien que nous soyons une famille entièrement francophone. Il fait des casse-tête d’une centaine de morceaux seul.
Il est habile au ciseau, au crayon, au ballon, au saut. Il attache ses fermetures éclair seul. Pas juste monter le chariot enclenché par l’adulte. Non, il enclenche lui-même le chariot et le monte jusqu’en haut. Il attache des boutons et les détache. Il gruge son épi de maïs depuis qu’il a moins d’un an. Il gruge sa viande autour de l’os aussi habilement qu’un adulte. Il se rappelle, plusieurs heures plus tard, où il a laissé tel objet (même moi je n’y arrive pas).
Bon vous commencez à voir le portrait.
Mais il a 3 ans et 4 mois et il n’est pas propre. Il n’en comprend même pas le principe encore. Nous sommes loin de l’acquisition. La nuit, sa culotte de dodo demeure propre parce que son système physique de blocage fonctionne bien. Mais le matin, si je ne suis pas à mon affaire et que je tarde à l’amener aux toilettes, oups trop tard. Et je dirais qu’il réussit souvent à faire pipi au pot, si moi je suis assidue, mais caca, jamais. À ce rythme-là, ce ne sera pas avant 4 ans… Bien qu’on puisse souhaiter un déclic soudain.
Il sera propre pour sa graduation. Voilà tout. Chaque chose vient en son temps. Mais je fréquentais une page facebook de garderie pour des idées d’animations au préscolaire, et l’opinion des responsables de milieu de garde familial était ahurissante. Un enfant pas propre à 3 ans était vraiment mal aimé comme client de la garderie. Et j’ai lu des tonnes de réactions épeurantes: le laisser dans son caca pour qu’il prenne conscience que c’est dégueulasse, le mettre à l’écart, le traiter en bébé pendant une journée avec biberon et chaise haute pour qu’il veuille vieillir… Vraiment?
L’école maison permet les deux réalités. Le développement rapide des aptitudes cognitives et physiques car il bouge librement pendant toute la journée et développe ses habiletés, et le rythme personnel de certains aspects parce que les attentes ne sont pas coercitives. Alors, votre enfant ne fait pas tout ça à 3 ans et 4 mois, et puis? Mon fils n’est pas meilleur que le vôtre. Il se développe à sa façon. Mon but en écrivant la publication sur les maths n’était pas de montrer les capacités intellectuelles de ma fille. Vous n’en avez rien à f… Mon but est de montrer l’adaptation que la réalité demande et d’exposer des choix de matériel avec les raisons qui sous-tendent ces choix.
J’ai par le passé exposé souvent les difficultés d’apprentissage de mon fils dyspraxique. Pour la même raison: en démontrer les adaptations nécessaires, les ajustements des attentes, les découragements rencontrés, le matériel le plus judicieux. Ce serait étrange de penser que je suis moins fière de lui que des autres à cause de ses diffiicultés. De plus, la douance amène son lot de problèmes très exigeants à tenir compte et à travailler.
Donc ne jetez pas la pierre de l’arrogance. Mon article de lundi sur Ce qui ne paraît pas illustrait bien que ce qu’on voit n’est que la pointe de l’iceberg de ce qui se passe dans la vie des gens. Ma réalité? Vivre avec des enfants multi-différents, vraiment hétéroclites, avec des troubles très envahissants du développement. Alors je m’adapte et je crois que s’il y avait une chose de laquelle je devais me sentir bonne, fière et peut-être un peu au-dessus de mes affaires, ce serait de réussir à maintenir ma santé mentale en place avec tous ces défis. Mais même ça ça cache quelque chose… ça n’a pas toujours été comme ça dans ma vie. Parfois il faut aller bien bas pour voir qu’on est beau, bon et surtout capable!