Au rythme de l’enfant

Il y a un élément de l’école maison qui est génial et dont tout le monde parle: «avancer au rythme de l’enfant». Vous savez: laisser l’enfant faire ses pas à sa vitesse, plus vite sur des notions qu’il saisit bien et plus lentement sur des notions plus difficiles. Laisser le cerveau maturer quelques semaines lorsque un défi empoisonne le quotidien. Laisser un chapitre de côté parce qu’aucun intérêt n’est là et travailler la notion autrement. Quel principe important! Surtout lorsque son enfant n’est pas dans la moyenne, mais qu’il patauge en arrière ou file en avant.

Mais voilà. Parfois on aurait besoin que cet élément se transforme en «avancer au rythme de maman».

Et de là ma grande empathie envers les enseignants de ce monde, qui doivent réussir à maintenir une cohésion dans un groupe hétérogène. En cette semaine des enseignants…

Mais là n’est pas mon propos…

Mon fils est doué. Il ne chemine donc pas à la vitesse de la moyenne. Il devrait être en 6e année. Mais toutes ses matières se déroulent au secondaire sauf le français. Pourquoi? Parce qu’il ne voulait jamais écrire lorsqu’il était plus jeune. Jusqu’à la fin de la 4e année, écrire était une guerre nucléaire. Même écrire un mot dans une phrase trouée, même ajouter une terminaison à un verbe. En fait plus il voyait de lignes pour la réponse plus il refusait d’écrire. Il s’amusait à inventer des codes avec des petits dessins pour associer les terminaisons. Ainsi il n’écrivait les terminaisons qu’une seule fois dans sa  légende et ensuite il reproduisait les symboles correspondants. Ou encore il tirait une ligne pour associer les éléments ensemble. Ses cahiers ressemblaient à une véritable toile d’araignée. Pas moyen donc d’évaluer son niveau d’écriture. (Je soupçonne que sa main ne réussissait pas à transcrire assez vite ce qui se passait dans sa tête, ce qui le frustrait)

Il lisait peu aussi. Il avait la capacité de lire fluidement mais ne s’intéressait pas à la lecture sauf pour les bandes dessinées. C’est à la fin de la 4e année qu’il a commencé à vraiment lire. Il s’est intéressé aux «Journal d’un dégonflé» de son frère aîné. Comme il y a plusieurs dessins souvent avec des mots ou des légendes sous les dessins, il est entré doucement dans les romans.   Voulant en savoir un peu plus chaque fois, il lisait un peu plus loin, et un peu plus loin.

Je l’ai laissé «avancer à son rythme» et donc laissé suivre la moyenne. Voilà pourquoi il est dans son niveau en français. En écriture, je lui demandais une phrase par semaine, puis deux, puis trois, puis un paragraphe…  À l’été entre la 4e et la 5e, il a écrit son «roman» de 8 pages. Une histoire qui se tient, qui suit un ordre logique.  En lecture, il a découvert des romans sur les chats (son animal favori extrême): La guerre des clans. Il les a lus et relus. Des romans d’une grosseur intéressante avec des situations compliquées et de nombreux personnages qui arrivent, meurent, partent, se reproduisent… Bref rien de simple et pourtant… Là, en 6e année, il peut lire n’importe quel roman, comme du Jules Verne et du Daniel Defoe et est capable d’en faire des études de texte.

Comme je l’ai dit au début de cette année scolaire, je n’ai rien trouvé comme manuel ou cahier d’apprentissage. Rien ne me plaisait pour lui. Il est de type scientifique et n’aime pas s’engluer dans les flaflas de la langue. Les ressources françaises étaient trop littéraires et artisitiques. Les ressources québécoises, trop bébés. Les textes proposés semblaient être dépassés depuis tellement longtemps dans son cheminement. Alors j’ai décidé de bâtir moi-même son programme à partir de la littérature jeunesse. Et d’utiliser un cahier de grammaire pour m’éviter de TOUT produire par moi-même. Une mère a ses limites.

Son cahier de grammaire de 6e année est presque terminé. Il exécute ses pages comme un automate, c’est facile et ennuyant. Mais il semble aimer ses projets de lecture et d’écriture. Seulement moi je peine à préparer suffisamment de travail pour le nourrir. Il va vite, avance à un rythme soutenu. D’où ma phrase, il est où le rythme de maman? 😉

Je donne des cours privés à un bon élève de 5e année. Il est au-dessus de la moyenne de sa classe. Le niveau que je vois en 5e à l’école place Mathis facilement en 1re secondaire. Les mots de vocabulaire sont connus, les verbes sont connus, la complexité des phrases est comprise. Voilà il doit passer à la première secondaire en français aussi.

Je n’aime pas beaucoup changer un enfant de niveau encours d’année. J’aime que, s’il m’arrivait quelque chose, ils puissent réintégrer où ils en sont sans retourner en arrière. Aller au rythme de l’enfant oui mais selon certaines contraintes. Voilà pourquoi aussi je «ralentis» Lili pour qu’elle demeure en 2e année. Je souhaite qu’elle chemine normalement bien qu’en avance. Je cherche à diversifier ses apprentissages plutôt qu’à la pousser plus loin. Mais là Mathis n’avance pas en français. Il a besoin de nouveaux défis grammaticaux (on s’entend que c’est selon moi, lui il s’en passerait bien 😉 )

Si de fait je le passe au secondaire, qu’est-ce que je choisis comme cahier? Déclic en grammaire seulement lui permettrait de continuer son travail avec la littérature jeunesse (même si maman peine à suivre), mais Mis À jour est efficace pour expliquer les notions relatives aux différents types de textes. Matière première pour survoler un peu de tout sans aller en profondeur dans rien donc nous laissant le temps de continuer avec la littérature jeunesse? Si je lui fais faire les trois comme à Yann, pour un programme complet, il n’aura plus le temps de sortir de son programme. Je suis indécise.

Les enfants nous poussent nous aussi au bout de nos ressources. Réfléchir à un changement de niveau et à de nouvelles ressources en cours d’année n’était pas dans mes plans. Je suis plongée entièrement dans les préparations d’animation des différents groupes, les journées sont pleines du quotidien scolaire, les soirées et les fins de semaine d’activités parascolaires et de fêtes. L’accompagner dans un changement de repères dans ses documents est aussi un investissement supplémentaire de temps.

À quand un rythme MAMAN pour les apprentissages des enfants? Vous savez, une journée de 28 heures et une semaine de 8 jours. Le temps de laisser maturer une idée ou de préparer le matériel. Le temps de ramasser l’argent pour acheter le nouveau manuel, le temps de recevoir la commande. Le temps de créer des activités plaisantes, d’inventer des situations qu’ils retiendront toute leur vie. Quel principe important! Surtout quand la famille n’est pas dans la moyenne et qu’elle contient plus d’enfants, plus de défis pour chaque enfant et un apprentissage au rythme de chaque enfant…