J’ai aussi préparé une feuille de pictos pour l’école. Un aide-mémoire. Jackson ne comprend pas qu’il est en apprentissage et qu’il est normal de ne pas tout savoir, de se tromper, de recommencer, d’utiliser des outils. S’il fait une erreur, pour lui c’est la fin du monde, il est un pourri à 100% sans nuance. C’est la perception d’un enfant de trois, quatre ans qui est entier. Un enfant de trois-quatre ans apprend que derrière sa mère fâchée reste encore sa mère aimante, qu’elle ne disparaît pas sa mère aimante lorsque l’autre mère fâchée apparaît. C’est une étape normale du développement de l’attachement chez l’enfant: acquérir la permanence du parent. Puis ensuite, il faut que l’enfant étende cet apprentissage à soi-même: la permanence du soi. Lorsque je me trompe, seule une partie de moi est impliquée, la partie de moi qui travaille la grammaire, par exemple. Même si je me trompe en grammaire, la partie de moi qui est championne en astronomie existe toujours, donc je ne suis pas un pourri, mais un champion qui se trompe tout simplement. C’est aussi pourquoi un enfant de deux ans peut faire des crises incroyables lorsqu’il n’est pas capable. Chez Jackson, la permanence n’est pas acquise, ni la permanence de l’objet, ni celle des parents, et encore moins celle du soi.
Alors ce tableau est donc un aide-mémoire pour lui répéter tous les jours qu’il est possible de ne pas savoir. Tous les matins avant de commencer la journée d’école, je place cette feuille devant lui et je reprends: Lorsque tu te trouves devant une question tu peux connaître la réponse alors tu l’appliques directement ou tu peux ne pas connaître la solution. Alors tu dois t’arrêter et prendre le temps de chercher dans ta tête la solution, chercher si tu as connu une situation similaire et ce que tu as fait alors. Cette partie est très difficile pour Jackson car dans sa tête tout est un fouillis. Lorsqu’une information est enregistrée, il ne la classe pas bien dans sa tête, et alors aller la rechercher est une épreuve de force. Souvent c’est impossible, parfois c’est possible mais avec beaucoup de temps, de patience et parfois encore cela prend maman qui fait le chemin de la déduction à sa place pour aller retoruver l’endroit où cette information avait été placée la dernière fois…dans SA tête. Car ce n’est pas dans MA tête, mais dans la sienne. Depuis plusieurs années, je m’en viens bonne pour savoir comment son cerveau fonctionne, mais nous devons encore très souvent tout recommencer à zéro car l’information est introuvable dans sa tête.
Enfin ensuite s’il trouve l’info dans sa tête, il peut solutionner le problème, sinon il doit alors prendre un outil pour s’aider: dictionnaire, Bescherelle, grammaire, atlas, tables de multiplication… Je dois répéter quotidiennement qu’utiliser un outil est un signe d’intelligence et non d’ignorance. S’il ne trouve toujours pas, alors là il doit demander de l’aide. Et ÇA C’EST TOUT UN TOUR DE FORCE! En effet demander de l’aide pour un enfant en trouble de l’attachement tient de l’impossible. Ils ont survécu sans aide lorsqu’ils étaient bébés, alors jamais ils n’auront besoin d’un adulte. Nous travaillons donc très fort à répéter que demander de l’aide est un geste très intelligent.
Donc cette feuille nous aide à tous les jours répéter la leçon et je recommence à la moindre question soulevée. Lorsque le regard de Jackson se perd parce qu’une question s’est pointée, je le retire de sa planète avec cette feuille, et on répète les étapes à suivre. Ça aide, mais ce n’est pas une baguette magique n’est-ce pas?